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UNE PÉRIODE CRUCIALE POUR LA LACTATION ET LE VEAU

La santé du veau nouveau-né dépend du colostrum qu'il ingère dans les premières heures de sa vie. Or, la qualité de ce colostrum se joue pendant le tarissement.© CHRISTIAN WATIER

Le tarissement est une période clé qui conditionne à la fois la production, la santé de la vache, de la mamelle et du veau. Petits rappels physiologiques pour bien comprendre tout ce qui se produit durant ces quelques semaines de repos.

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L'ENJEU DE LA PÉRIODE SÈCHE VA BIEN AU-DELÀ du repos accordé à la vache. C'est toute la lactation suivante qui se joue à ce moment-là. Des cellules se régénèrent pour mieux produire du lait et valoriser la ration. Le colostrum se constitue petit à petit et le veau va en profiter. Même si l'on peut, dans certains cas, raccourcir cette période, il est risqué de la supprimer. Et les vaches taries méritent soins et surveillance.

PRODUCTION : RÉGÉNÉRER LES LACTOCYTES

Le lait est produit par des cellules particulières, les lactocytes, regroupés dans des acini. Il s'écoule ensuite dans des canaux puis des citernes qui se vident durant la traite. Lorsque la traite est interrompue au moment du tarissement, le lait commence par s'accumuler dans la mamelle. Quand c'est plein, les acini reçoivent un signal. Après soixante-dix heures sans traite, les lactocytes se mettent au repos puis disparaissent. Cette involution des cellules est terminée au bout de vingt-cinq jours. Ces lactocytes s'usent naturellement au fil de la lactation. Mais ils disposent d'une capacité à se régénérer. La fin de la lactation permet cette régénération. Elle démarre vingt et un jours avant la mise bas.

Or, la qualité des lactocytes conditionne la production laitière. Il est donc essentiel de permettre cette régénération pour optimiser le potentiel de production. L'absence de tarissement provoque une baisse de production de 20 % environ.

En cas de période sèche réduite à quatre-six semaines, les lactocytes se régénèrent partiellement. On observe une baisse moyenne de la production de 10 % lors de la lactation suivante.

MÉTABOLISME : RENOUVELER LES PAPILLES DU RUMEN

Le métabolisme se définit comme l'ensemble des facteurs physiologiques qui permettent à la vache de transformer des aliments pour se nourrir et pour produire. Il est conditionné par la capacité d'ingestion et la présence des papilles ruminales. La capacité d'ingestion diminue progressivement tout au long de la période sèche. Les besoins baissent eux aussi durant les premières semaines, mais ils repartent à la hausse dans les dernières semaines avant le vêlage. Au départ, la capacité d'ingestion excède les besoins, la vache grossit. Mais par la suite, cette capacité devient un facteur limitant, ce qui provoque un amaigrissement.

Les papilles ruminales servent à assimiler les acides gras volatils issus de la dégradation des aliments par la flore ruminale. Ils sont ensuite transformés en glucose dans le foie. En début de période sèche, la baisse d'apport d'énergie dans la ration entraîne une régression des papilles ruminales. Lorsque la ration sera de nouveau enrichie en énergie, les papilles retrouveront leur taille et leur efficacité optimales. Comme pour les lactocytes, la régénération au cours de la période sèche permet de maximiser le fonctionnement par la suite. Ces cellules ont également besoin de trois semaines pour retrouver leur taille optimale. Une transition alimentaire est donc nécessaire pour provoquer la régression puis la régénération des papilles ruminales.

En l'absence de tarissement, les papilles ne se renouvellent pas et sont donc moins efficaces lors de la lactation suivante. Cela se traduit par une baisse de l'efficacité énergétique de la ration, entraînant une réduction de la production.

De plus, les primipares auront du mal à terminer leur croissance si le tarissement est écourté ou supprimé. Pour elles, il est essentiel de maintenir une durée de tarissement de huit semaines. Cependant, les vaches qui démarrent mal leur lactation, faute de bien valoriser l'énergie de la ration, profiteront des avantages d'un métabolisme réduit. À savoir, un risque limité d'acétonémie et de déplacement de caillette.

QUALITÉ DU LAIT : ASSAINIR ET PRÉVENIR

La période sèche permet à la fois d'assainir les mamelles et de prévenir les nouvelles infections. Cela ne s'obtient pas uniquement via l'usage d'antibiotiques, ils ne constituent qu'une aide. La protection naturelle de la mamelle contre les infections joue sur deux tableaux. Les défenses dites « hautes » agissent à l'intérieur de la mamelle. Il s'agit d'enzymes ou de cellules immunitaires qui ont pour rôle d'empêcher le développement de nouveaux germes, ou d'assainir les anciennes infections.

Les défenses dites « basses » opèrent au niveau du canal du trayon. Au moment du tarissement, un bouchon de kératine se forme pour obstruer le canal et empêcher la remontée des germes. Sa constitution est plus ou moins rapide selon le niveau de production au jour de l'arrêt de la traite.

Un tiers des vaches perd encore du lait 48 heures après le tarissement. On observe même que sept jours après le tarissement, seulement 50 % des trayons sont obstrués. Et au bout de soixante jours, 5 % des trayons n'ont jamais été correctement fermés. Il existe donc un risque d'infection pendant le tarissement.

Il faut considérer que la mamelle n'est pas étanche pendant la période sèche.

Au début du tarissement, alors que l'involution de la mamelle est en cours, elle est exposée aux infections par S. aureus, S. uberis et E. coli. Les risques sont nettement réduits cette période passée. À ce stade, la lactoferrine élimine bien E. coli. Cette période de repos de la mamelle est essentielle pour permettre une confrontation efficace entre les défenses naturelles et les germes éventuellement présents.

Le risque d'infection revient en phase de préparation du colostrum. En effet, l'immunité tend à s'affaiblir pendant cette période et en cas d'oedème de la mamelle, le bouchon de kératine perd en efficacité. E. coli et Staphyloccocus. uberis peuvent en profiter.

Le risque de nouvelles infections durant la période sèche dépend avant tout de la pression bactérienne à laquelle sont soumises les vaches. Le logement est primordial. Attention à la boue en hiver et aux mouches en été. C'est en fonction de ce risque qu'il faut évaluer une stratégie de protection avec son vétérinaire (obturateur, antibiotiques).

Au final, la conduite du tarissement a un impact sur la qualité du lait au cours de la lactation suivante.

SANTÉ DU VEAU : LUI DONNER TOUTES SES CHANCES

Le système immunitaire du veau est immature à la naissance. Il a besoin des anticorps présents dans le colostrum de sa mère. Sans apport de colostrum, le veau n'est pas protégé des infections extérieures durant les trois premières semaines de sa vie. Le colostrum est également riche en énergie dont le nouveau-né a besoin. En outre, il a des propriétés laxatives et aide le veau à évacuer. En volume, le veau doit avaler l'équivalent de 10 % de son poids en colostrum dans les six heures suivant sa naissance. Pour être sûr, on peut lui en faire avaler quatre litres à l'aide d'une sonde. En cas de naissance au cours de la nuit, le veau a probablement tété sa mère. On peut se contenter de lui donner deux litres à la sonde.

La qualité du colostrum se prépare pendant le tarissement. Il se constitue progressivement par accumulation pendant vingt-cinq à trente jours. Si le tarissement est réduit en deçà de cette durée, le colostrum sera de mauvaise qualité et la santé des veaux en souffrira (diarrhées, mortalité...).

PASCALE LE CANN

D'après le Breizh Vet'tour 2015, organisé par le GTV Bretagne.

L'usage des antibiotiques au tarissement est à réfléchir avec son vétérinaire en fonction du risque propre à la vache et à l'exploitation.

© SEBASTIEN CHAMPION

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